”À quelques millimètres près, il n’y avait aucun espoir” : plombé, un rapace exceptionnel a été secouru à Hotton par le Creaves de Temploux
Ce samedi 13 avril 2024, le Creaves de Namur a été appelé à la rescousse d’un oiseau peu commun : un Balbuzard pêcheur. En détresse du côté d’Hotton, l’animal ne pouvait plus s’envoler. Pour cause, un plomb lui avait fracturé un os déterminant pour déployer ses ailes.
- Publié le 18-04-2024 à 08h00
L’équipe mobilisable du Creaves de Temploux ne s’attendait sans doute pas à faire autant de kilomètres en une journée, samedi. C’était sans compter cet appel signalant un rapace repéré au sol et ne sachant pas s’envoler, dans la région de Melreux (Hotton). “Après discussion avec la découvreuse, il s’est avéré qu’il s’agissait d’un Balbuzard pêcheur, une espèce migratrice assez rare de nos régions.”, retrace Romain De Jaegere, biologiste et responsable du Creaves (Centre de Revalidation des Espèces Animales Vivant à l’Etat Sauvage).
Le Creaves namurois n’intervient pas souvent sur le terrain mais, cette fois, ni les pompiers ni le Département de la Nature et des forêts ne voulaient intervenir et le Creaves local, à Hotton, n’était pas disponible. Véronique, la découvreuse a remué ciel et terre pour sauver le volatile qu’elle a surnommé Soleil. “Des membres de notre équipe ont donc décidé de se rendre sur place pour capturer cet individu blessé. Faible, légèrement amaigri… mais sans fractures visibles au niveau des ailes ou des pattes. Son état nous interpellait car bien qu’il semblait en bonne forme, il était incapable de reprendre son envol. Nous avons donc rapidement émis l’hypothèse que ce magnifique rapace avait été victime d’un tir illégal d’une personne malintentionnée.” Un chasseur ? Un propriétaire de pêcherie ou de pisciculture ? Dans la foulée, l’oiseau est rapatrié et des examens radiographiques sont effectués chez Virginie, la vétérinaire bénévole du Creaves, afin de confirmer ou d’infirmer la suspicion. “Le résultat nous laisse encore une fois sans voix et en colère : un plomb est nettement visible et ce dernier a provoqué une fracture du coracoïde droit, l’os le plus robuste de la ceinture de l’épaule et très important pour le vol.”
Romain De Jaegere remet ce genre de blessure par balle en perspectives. “Il n’est pas si rare que nous recevions des oiseaux plombés. Très souvent, ce sont des corvidés (pies bavardes, corneilles noires ou corbeaux freux) mais également des rapaces. La preuve, aujourd’hui. Ces deux dernières semaines, c’est le troisième oiseau que nous recevons, criblé par un ou des plombs. Sur un an, nous comptons entre 20 et 30 cas, ce n’est pas négligeable. Je me rappelle d’un faucon pèlerin, il y a 3 ans… une femelle en pleine période de couvaison. Elle est décédée peu de temps après son arrivée malheureusement.”
Désormais le Balbuzard va au-devant de nombreuses semaines de soins, en espérant qu’il puisse retrouver la Nature. “En collaboration avec la Clinique Vétérinaire Universitaire De Liège, lundi, nous avons établi un protocole de revalidation. Une opération pour brocher l’os ou retirer le plomb s’avère beaucoup trop risquée car beaucoup trop près des artères et du cœur de l’oiseau. À quelques mm près, il n’y aurait eu aucun espoir. Dans son malheur, il a quand même eu énormément de chance et est déjà considéré comme un vrai miraculé. Une plainte sera déposée auprès de l’unité Anti-braconnage du SPW. Nous avons des photos d’un suspect rôdant près de l’individu avant notre intervention.”
En attendant, le balbuzard peut être parrainé et le Creaves être soutenu dans ses actions, via un don sur le numéro de compte : BE34 5230 8088 0190 avec la communication “Balbuzard pêcheur”.
Une espèce protégée mais toujours persécutée
Avec ses yeux jaunes et perçants, sa crête qui lui donne des airs un peu punks et son plumage blanc et brun (avec un masque au-dessus de son bec crochu), le Balbuzard pêcheur est un grand rapace diurne. Il possède une taille moyenne (50 à 66 cm) et une envergure pouvant atteindre jusqu’à 170 cm. On le retrouve sur tous les continents, excepté l’Antarctique, ce qui en fait le deuxième rapace le plus répandu après le faucon pélerin. “Espèce protégée et Natura 2000, le Balbuzard a souvent été persécuté car accusé de prélever trop de poissons, dont il se nourrit presque exclusivement.”, détaille Romain De Jaegere.
Soleil, le Balbuzard miraculé après avoir été plombé
Le balbuzard pêcheur n’est plus nicheur en Wallonie depuis près d’un siècle mais des actions locales, notamment du côté de l’Aquascope de Virelles, sont mises en place pour faire en sorte qu’il redevienne nicheur sur notre territoire. “Pour le moment, il est uniquement de passage car cette espèce est migratrice et la majeure partie des individus passent l’hiver en Afrique.”
Le spécimen retrouvé à Melreux a probablement passé l’hiver en Afrique subsaharienne et avait entamé son long voyage pour se reproduire en Europe du Nord.